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Interview de Nicolas Blain : « La notion d’impact, c’est surtout et peut-être avant tout une question de changement intérieur. »

Nicolas Blain est un ancien de l’agence qu’il a quittée en 2012 pour rejoindre le projet Reforest’Action qui s’est donné pour mission de régénérer les écosystèmes terrestres à grande échelle pour relever les défis environnementaux planétaires en s’appuyant sur l’expérience du terrain, les communautés locales, la science et la technologie. Après dix ans intenses d’action pour le climat et la biodiversité, il s’est mis en retrait le temps de la naissance de sa fille et pour l’accompagner pendant ses premiers mois et cherche maintenant un nouveau projet. Il est un témoin précieux des luttes pour le climat, tant au niveau global que personnel.
PRISMES : Bonjour Nicolas, que t’ont appris tes dix ans passés chez Reforest’Action ?
Nicolas Blain : Bonjour, quand j’ai rejoint Reforest’Action, j’étais le premier salarié. Dix ans plus tard, ils sont près d’une centaine. Je travaillais à l’époque sur une thèse de doctorat en droit international sur l’impact du changement climatique sur la paix et la sécurité en Afrique. J’ai laissé tomber pour rejoindre Reforest’Action, conscient du problème et voulant faire quelque chose face à un défi qui devenait existentiel pour l’humanité. La forêt est un organisme vivant indispensable. Un hectare de forêt française fournit environ 40 000 euros de services systémiques sur 40 ans. C’est 1 000 euros de services par an gratuits, vitaux pour notre vie et notre bien-être : stockage de CO2, production d’oxygène, rétention des sols, 70% de l’eau accessible aux humains provient de bassins versants boisés, les deux tiers des médicaments anticancéreux sont issus de la forêt. Il faut donc non seulement protéger les forêts partout sur le globe mais aussi les restaurer de manière qualitative. et les développer. C’est ce que j’ai fait pendant 10 ans comme directeur des relations publics.
PRISMES : Force est de constater que malheureusement, les services que nous rendent les forêts ne sont pas souvent reconnus et que la nature, le climat, la biodiversité et l’environnement sont encore et toujours maltraités. Les derniers revirements de certains dirigeants ne laissent pas présager d’améliorations. Que faut-il faire ? Que peut-on faire ?
NB : la situation crée beaucoup d’anxiété, d’écoanxiété même. La santé mentale est une grande cause nationale en France pour 2025 et à juste raison. Comment rester serein aujourd’hui ? Certains pourraient être tentés d’abandonner et simplement attendre l’inéluctable. La santé humaine dépend de la santé de la planète. Or aujourd’hui, l’humain est davantage malade que la Terre ne l’est. Outre ses dimensions physiques et les besoins d’action collective qu’il exige, l’immense défi environnemental moderne pose ainsi également une question personnelle, individuelle, et appelle à un changement intérieur dont dépend l’émergence d’un cercle vertueux indispensable. C’est ce qu’ont commencé à dire les experts du GIEC, ceux de l’IPBES et ceux du Club de Rome dans leurs dernières publications. Citons le GIEC dans son rapport de 2022 (Page 1737) : « Le point de départ de ce cercle vertueux réside dans les transitions intérieures. Les transitions intérieures se produisent au sein des individus, des organisations et même des instances plus larges, et modifient les croyances et les actions liées au changement climatique. Une transition intérieure chez un individu implique généralement qu’il acquiert un sentiment de paix plus profond et une volonté d’aider les autres, ainsi que de protéger le climat et la planète. La transition intérieure peut signifier que les individus deviennent sensibles aux préoccupations liées aux questions climatiques et aux valeurs liées à la nature. Par exemple, cela peut inclure le désir de devenir un gardien de la nature, de « vivre selon les principes de la durabilité intégrée », d’atteindre une vie meilleure » ou de « protéger le bien-être des autres êtres vivants. » Autrement dit, vivre ces transitions intérieures, c’est par exemple développer une vie moins basée sur le bonheur matériel, contribuer à l’émergence de nouveaux récits, faire évoluer ses habitudes de consommation, son rapport au temps, ou encore pratiquer des activités permettant de restaurer notre équilibre personnel telles que la méditation.
PRISMES : Donc la lutte pour le climat dépend d’abord d’une révolution individuelle. N’est-ce pas un peu simple voire simpliste et n’est-ce pas rejeter la responsabilité sur l’individu pour mieux déresponsabiliser les entreprises et les états ?
NB : On peut le voir comme ça, ou penser, comme l’écrit le Club de Rome dans son rapport de 2024 : « Si des leviers politiques ambitieux sont indispensables, un changement durable repose sur l’intégration d’interventions matérielles tenant compte de la dimension intérieure humaine : prendre en considération les structures collectives profondes de pensée qui sont à la base des systèmes défaillants et cultiver les capacités intérieures nécessaires pour surmonter les obstacles à l’action collective et à la transformation structurelle. » Après 25 ans d’engagement pour la planète, je suis profondément convaincu que le changement passe également par soi-même car chacun à son niveau de responsabilité individuelle ou professionnelle peut quelque chose… mais il faut commencer par soi-même. L’état actuel de la planète révèle l’échec de décennies de diplomatie environnementale internationale ainsi que les limites des engagements du secteur privé, toujours mu par une logique économique qui ne respecte pas les limites planétaires. C’est pourquoi un nombre grandissant d’acteurs appellent à la transformation intérieure comme l’un des leviers les plus puissants. S’ils jouent des rôles importants, on ne peut pas tout attendre des Etats ou des entreprises, nous devons désormais tous agir pour le changement à commencer par le changement de soi-même.
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