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Dead internet theory. 

La théorie de l’Internet Mort (ou Dead Internet theory) est à l’origine une théorie du complot qui considère qu’Internet n’est pratiquement plus peuplé que par des bots générant la majorité du contenu, et que l’activité humaine y est intentionnellement marginalisée par des algorithmes.

Aujourd’hui, l’expression recouvre l’hypothèse plus générale qu’Internet va être submergé par le contenu généré par des intelligences artificielles (mais l’élément intentionnel disparaît decette conception).

Distinguer le vrai du fake

On peut appréhender la validité de cette théorie en tentant de l’objectiver avec des chiffres. Selon Imperva, une filiale de Thalès, le traffic automatisé a surpassé l’activité humaine sur internet en 2025 et constitue la majorité (51%) du traffic enregistré. Toutefois, la multiplication des applications logicielles exécutant des tâches automatisées, souvent banales, répétitives et fastidieuses (par exemple un comparateur de vols) n’est pas ce qui a rendu cette théorie célèbre.

Ce qui l’est davantage, c’est que les progrès de l’IA générative sont tels qu’ils questionnent désormais notre rapport à l’authenticité sur les plateformes sociales. Sur le réseau social Reddit qui s’inspire des forums des années 1990-2000, les utilisateurs cherchent désormais systématiquement à identifier si les posts ont été générés par une IA. Sur Instagram, des comptes d’influenceuses générées par IA sont présents depuis 2024 et comptent des centaines de milliers de followers.

Sur Twitter (désormais appelé X), où la monétisation est bien plus développée, l’ « engagement farming » c’est-à-dire le partage d’opinion controversée dans le but spécifique de générer de l’engagement ainsi monétisable, est soupçonné d’être délégué à des IA. On demande à un robot de poster chaque jour les opinions les plus incendiaires, les gens réagissent, et Ka-Tching! Twitter vous rémunère pour votre influence (délétère) sur le réseau. Sam Altman lui-même, créateur de ChatGPT, s’émeut du nombre de comptes robots sur le réseau. 

Sur Spotify, de faux groupes dont la musique est générée par IA et dont les photos et les biographies sont entièrement fictives et générées par IA, commencent à pulluler, toujours dans le même but : accaparer et monétiser le traffic, au détriment des artistes bien humains.

Les robots parlent aux robots

Plus cocasse encore : ces contenus générés par des intelligences artificielles sont aussi consommés par des intelligences artificielles qui les classent, les citent, ou même les assimilent dans leurs gigantesques jeux de données afin de générer du contenu à leur tour. Ainsi, sur Twitter, les bots répondent aux bots. Sur Spotify, les robots écoutent et classent dans des playlists la musique produite par d’autres robots. En graphisme, les modèles de machine learning de génération d’images s’entraînent sur des données elles-mêmes générées par IA, dites « synthétiques », avec des conséquences néfastes sur le résultat, comme des images de plus en plus jaunes.

Si en tant que citoyen on peut déjà se demander ce qui arrivera à la culture (au sens large) si les humains deviennent marginaux dans la production et la consommation culturelle, une toute autre question se pose pour les entreprises. Alors que l’économie numérique s’est construite sur le paradigme de l’économie de l’attention, ce paradigme est-il toujours créateur de valeur si l’attention en question provient de robots et non d’humains ?

*Cet article a été rédigé et illustré sans l’aide d’IA générative

Dimitri Lecerf, Consultant Planning stratégique

Dimitri.lecerf@rumeurpublique.fr



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