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Backlash or not backlash ?
La COP30 est terminée et les nouvelles du climat sont mauvaises. L’urgence d’agir pour le climat ne peut plus être mise en doute. Pourtant, le Président des États-Unis engage ses concitoyens à « forer, bébé, forer » et prétend à la tribune de l’ONU que « le dérèglement climatique est la plus grande escroquerie jamais menée contre le monde.[1] » Simultanément, en Europe comme aux États-Unis, nombre de réglementations environnementales sont remises en cause au point que l’on parle de « backlash écologique ».
En France, ces derniers mois ont marqué le recul sur les Zones à Faibles Émissions ou le concept de Zéro Artificialisation Nette et plus généralement l’assouplissement de certaines lois environnementales sur l’agriculture (loi Duplomb).
Assistons-nous à l’assouplissement de règles trop contraignantes ou à l’abandon d’un projet écologique ? Le contexte international ferait-il passer l’écologie à l’arrière-plan au profit des impératifs de souveraineté et de compétitivité ?
La logique de PRISMES est de multiplier les angles pour aborder une question de cette importance afin de mieux comprendre ce qui est en jeu.
Le terme backlash est hérité des luttes féministes. Il désigne « la contre-offensive menée contre les droits des femmes à chacune de leurs avancées. » Qu’il s’oppose à des changements sociaux, politiques ou écologiques ce retour de bâton est un contre-pouvoir qui souligne donc l’existence d’un pouvoir. Il y aurait ainsi un « pouvoir écologique », une dynamique, un mouvement suffisamment puissant pour susciter une opposition forte.
Le « pouvoir écologique » serait ainsi incarné par de nombreuses règlementations (ZFE, ZAN, électrification de la mobilité, restriction des pesticides…). Il prendrait aussi la forme d’un « soft power » largement diffusé dans les médias, la culture, les œuvres littéraires et cinématographiques. Ce pouvoir qui anime les COP et les travaux du GIEC l’aurait emporté sur le terrain des idées et du bien voire de la « bien-pensance ».
Pour sa part, le contre-pouvoir se manifesterait dans la bouche de certains dirigeants politiques et d’entreprises prônant un « retour au bon sens » sans nécessairement tomber dans une forme de populisme « anti-écolo » voire le mépris des « bobos-écolos ». Ce discours n’est pas récent et nombre de politiques ont balancé entre volontarisme environnemental et remise en cause à l’instar de Nicolas Sarkozy qui après avoir fait de l’écologie une « priorité absolue pour la France » déclarait en 2010 : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire. » Cynisme ? Aveuglement ? Ou pragmatisme ?
Ce backlash pose non seulement la question de la validité de la lutte écologique mais aussi celle de la justesse de la répartition des efforts entre les composantes de la société. Ses moyens convoquent des notions fortes telles que « l’écologie punitive » voire « l’écoterrorisme » évoqué à l’occasion de manifestations écologiques récentes.
L’actualité de ces derniers mois a souligné la violence verbale comme physique de l’affrontement. Si l’on en croît Jean-Baptiste Fressoz : « les ennemis de l’écologie – qu’ils soient populistes ou néolibéraux – ne sont que la face visible et grimaçante d’une force colossale, celle qui se trouve derrière l’anthropocène : non seulement le capitalisme, mais tout le monde matériel tel qu’il s’est constitué depuis deux siècles ».
Mais comment expliquer le succès de la pétition contre la loi Duplomb qui a recueilli plus de 2 millions de signatures ? Serait-ce comme le prétend la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, un « backlash du backlash » écologique ?
Selon le politiste Théodore Tallent, s’il existe un backlash écologique, il est politique mais pas citoyen. Les Français seraient favorables aux mesures écologiques… à condition que les efforts soient également répartis et les transformations accompagnées.
Si le constat du dérèglement climatique et de ses conséquences est aujourd’hui globalement partagé, l’écologie et sa mise en œuvre politique, économique et sociale passe probablement au second plan à cause des incertitudes et de la polarisation à laquelle nous assistons. La période est peu propice aux politiques de long terme. Le contexte international est menaçant et la situation Française renvoie le long terme aux calendes grecques.
Alors que nous célébrons le dixième anniversaire des accords de Paris et de l’espoir qu’ils ont générés, concluons que le backlash écologique marque la fin d’un monde et non la fin du monde.
[1] Donald Trump, discours à l’ONU 23/09/2025
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