#Newsletter Prismes

Tragédie de l’horizon : qui est responsable de l’avenir à long terme ?  

La « tragédie de l’horizon », est un terme inventé en 2015 par l’actuel Premier ministre du Canada, Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d’Angleterre. Cette tragédie fait référence à des risques collectifs catastrophiques et susceptibles de se manifester bien au-delà de l’horizon des décideurs économiques, financiers et politiques actuels.

Qu’est-ce que le long terme ? Pour une entreprise, c’est au mieux un horizon de deux à trois ans. Pour un politique, c’est la prochaine élection. Pour un fonds de pension, l’horizon peut aller jusqu’à 12 ou 15 ans mais rarement plus. Mais pour la planète terre, le long terme c’est plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’années.

Ce décalage d’échéances peut s’illustrer par le délai nécessaire à l’absorption par l’atmosphère du surplus de carbone que nous produisons depuis le début de l’ère industrielle. Ainsi, 40% du surplus de carbone produit aujourd’hui, sera, quoiqu’il advienne, encore présent dans l’atmosphère d’ici un siècle. Pire, il en restera encore 10% dans 10 siècles !


Il s’agit donc bien d’un horizon, d’un horizon lointain, et d’un horizon tragique qui pose LA question : qui se préoccupe du vrai long terme, qui en est responsable ?

Le problème est double : d’une part, comment appréhender le vrai long terme (bien au-delà d’une génération humaine) et d’autre part, comment gérer les inévitables incertitudes et aléas d’un temps si long ?

Pour Michel Aglietta du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), « Il revient à la finance de jeter un pont entre le présent et l’avenir. Or le marché financier, même s’il était efficient, pourrait au mieux synthétiser l’information passée. Il est en revanche incapable de fournir une boussole pour s’orienter vers un futur qui n’est pas connu. »

Selon lui, ce rôle de visionnaire à long terme revient aux institutions financières publiques telle la Caisse des Dépôts fondée il y a plus de deux siècles en 1816. « Les investisseurs et prêteurs publics sont aujourd’hui des acteurs prépondérants pour financer les projets de grande taille et de longue maturité, qui engendrent des externalités positives. Leurs caractéristiques uniques en font les intermédiaires d’un modèle de finance globale alternatif à la pure finance de marché. »

Mais comme l’écrit Giuliano Da Empoli dans L’heure des prédateurs (Gallimard 2025) : « Aujourd’hui, nous possédons de plus en plus d’informations et sommes de moins en moins capables de prédire l’avenir. » La tragédie de l’horizon serait donc inexorable ?

De nombreux acteurs politiques, financiers, associatifs se sont penchés sur le sujet pour en conclure que le nœud du problème est la nécessité d’une analyse pertinente des risques et des opportunités climat. Dans son rapport de février 2018 intitulé : Analyse du risque climat, The Shift Project (en collaboration avec l’AFEP) concluait au « besoin de ressources et d’expertise significatives pour conduire une analyse pertinente des « risques et des opportunités climat ». Et attirait l’attention sur les points suivants :

  • La prise en compte trop limitée et insuffisamment explicite de ces risques dans la notation du crédit des entreprises par les agences financières (la « tragédie des horizons).
  • L’hétérogénéité des méthodologies et le manque de moyens qui affectent le secteur de la notation climat ainsi que l’ensemble du secteur ESG.

La plupart des agences de notation financière et extra-financière disposent désormais de méthodes d’analyse du risque « climat ». Cependant, les entreprises s’interrogent sur la maturité, la pertinence, la complexité et l’hétérogénéité de ces méthodes. The Shift Project conclut : « La transition énergétique est un enjeu incontournable. Cet enjeu peut devenir une opportunité. Pour les entreprises, le point de départ consiste à instruire et à développer une stratégie « climat », et à rendre cette stratégie publique. »

L’incertitude étant certaine, le seul moyen de la réduire est d’imaginer et de mettre en œuvre des stratégies de long terme à l’échelle humaine et de recommencer génération après génération. Qui est responsable du long terme ? Tout le monde, ce qui ne veut pas dire personne mais chacun malgré les incertitudes et les risques.




Pour lire la newsletter Prisme #10 dans son intégralité

Actualités

Newsletter Prismes

Décarboner l’industrie, la méthode METRON associe la force de la data et l’expérience de la communauté.  

Newsletter Prismes

Interview de Nicolas Blain : « La notion d’impact, c’est surtout et peut-être avant tout une question de changement intérieur. »  

Newsletter Prismes

La communauté internationale DevPack de L’Oréal Opérations partage ses savoirs grâce à Rumeur Publique et la web série Pack To The Future.