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Inquiétude, lassitude, immobilisme, incapacité à agir… Les Français ne voient plus comment en sortir.

Frédéric Micheau est Directeur général adjoint de OpinionWay et surtout un fin connaisseur de la société française et de ses évolutions. Partenaire de longue date de Rumeur Publique, il détaille pour nous l’état d’esprit des Français en cette rentrée mouvementée.
PRISMES : Bonjour Frédéric, comment vont les Français et la société en septembre 2025 ?
Frédéric Micheau : L’état d’esprit des Français peut se résumer en deux mots : inquiétude et lassitude. Les Français sont inquiets, pour eux, leur famille, leur avenir, leur emploi, leur retraite, leur pouvoir d’achat, leur sécurité, la planète… Ils font donc attention à tout et épargnent à des niveaux rarement atteints. Les indicateurs tirés de toutes nos études confirment ces comportements de précaution, voire de protection.
Cette inquiétude généralisée est exacerbée par l’incapacité du personnel politique à apporter des réponses concrètes à leurs problèmes. Les Français expriment une grande lassitude envers des jeux politiciens totalement déconnectés de leurs réalités et de leurs difficultés.
PRISMES : D’où vient cette situation ? Est-elle récente ou s’ancre-t-elle dans une évolution plus profonde ?
FM : La lassitude des Français ne date pas, comme on pourrait le croire un peu rapidement, de la dissolution de 2024. Ce sentiment est plus profond et plus ancien et date de la campagne présidentielle de 2022 pendant laquelle le débat a été totalement escamoté par la guerre en Ukraine et le refus du Chef de l’État d’y prendre part. L’élection présidentielle est la clef de voute de nos institutions, c’est un moment essentiel de respiration démocratique pendant lequel se tranchent normalement les grands enjeux du pays et se choisissent nos principales orientations, ce qui n’a pas été le cas en 2022. Les élections législatives suivantes ont logiquement été désertées par les Français avec un taux d’abstention record et une absence de majorité qui a conduit à la dissolution et à la situation actuelle d’instabilité chronique. Cela se traduit par un sentiment d’inaction très fort. L’action politique ne produit plus de changement et ne semble plus en mesure de transformer la réalité. L’impression générale est celle d’une France prise au piège d’un « sable mouvant » politique : elle s’enfonce inexorablement dans la crise alors qu’elle se débat pour en sortir.
PRISMES : Que reprochent les Français au personnel politique ?
FM : L’immobilisme et l’impuissance. Toutes nos études le montrent, pour les Français rien ne marche. L’économie est en berne et le chômage reprend. A cet égard, il faut noter que l’amélioration sensible du marché de l’emploi pendant le premier quinquennat n’a jamais été portée au crédit d’Emmanuel Macron. L’éducation est à la dérive, la santé pose problème, l’insécurité s’accroit… Les problèmes ne sont pas réglés alors que le sentiment de pression fiscale n’a jamais été aussi fort et que l’État se délabre par manque de moyens humains, financiers et matériels. Et ce sentiment se vérifie au niveau national comme au niveau local. L’équation est simple : immobilisme + impuissance = sentiment d’être abandonné par des hommes politiques absorbés par des luttes intestines et des guerres picrocholines sans aucune relation avec les préoccupations quotidiennes des Français.
PRISMES : Justement, quels sont les sujets qui préoccupent le plus les Français ?
FM : À l’évidence, le déficit des comptes publics, la dette du pays est un sujet majeur d’inquiétude. Avec la question pouvoir d’achat, c’est le problème que les Français veulent voir traité en priorité par le gouvernement. Dans nos études, ce sujet de préoccupation apparait bien avant la question de l’immigration, des inégalités sociales, de la délinquance et de la sécurité, bien avant le réchauffement climatique, le chômage ! Les Français ont bien compris qu’une dette de 115% du PIB était insoutenable. Ils ont aussi compris qu’il n’y avait aucun espoir de régler ce problème à court ou moyen terme, dans la situation politique actuelle. Les Français étaient très majoritairement favorables à la chute de François Bayrou dont la stratégie semblait dictée par son ambition politique personnelle. Mais, les mêmes causes produisant les mêmes effets et en l’absence de majorité à l’Assemblée, ils ne voient pas comment un nouveau gouvernement pourrait nous sortir de cette période délétère.
PRISMES : Comment anticiper les prochains mois ?
FM : La chute du gouvernement de François Bayrou a clairement montré que les oppositions privilégient la défense et la promotion de leurs intérêts partisans. Ce calcul court-termiste est dicté par le calendrier : les 15 et 22 mars 2026 auront lieu les élections municipales. Dernier test électoral du quinquennat, elles seront très importantes pour les formations politiques car elles permettent de gagner des places fortes et surtout d’obtenir des financements grâce aux élus locaux, qui sont aussi des grands électeurs lors des élections sénatoriales… Mais, plus que tout, les partis semblent déjà focalisés sur la campagne de l’élection présidentielle de 2027, qui commencera dès le 23 mars au matin.
PRISMES : Peut-on voir dans la prochaine élection présidentielle un espoir de résolution des problèmes de la France ?
FM : Pour l’instant, non, alors que la fonction de la présidentielle consiste précisément à créer de l’optimisme. A nouveau, les hommes politiques sont en cause. Il serait trop long de dresser ici la liste des prétendants à la plus haute charge. Mais il est frappant de noter qu’aucun politique n’entend ou n’accepte le message des urnes ou même de l’opinion. Personne ne comprend que les Français veulent surmonter les divisions partisanes et les ambitions individuelles pour faire avancer le pays, c’est-à-dire agir sur le réel et améliorer la vie de nos concitoyens. En attendant, tout est possible dans ce climat politique, où la rationalité semble s’effacer. Toutes les tentatives de « clarification » (dissolution, vote de confiance…) se sont soldées par davantage de confusion. Par conséquent, la seule certitude est que les prochains mois seront marqués par l’incertitude.
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