L’abolition de l’esclavage comme celle de la peine de mort nous semble aujourd’hui parfaitement normale alors que nos ancêtres auraient crié au fou à quiconque l’aurait proposée. À partir de quand une idée est-elle acceptable ?
Comment ce qui hier était impensable est devenu aujourd’hui la norme ? C’est cette évolution que mesure la « fenêtre d’Overton » du nom de son inventeur [1].
L’acceptabilité d’une idée passerait du statut d’impensable à celui d’opinion généralement acceptée (ou l’inverse) selon six étapes :
1/ Impensable
2/ Radicale
3/ Acceptable
4/ Raisonnable
5/ Populaire
6/ Politique publique
Le processus peut aussi faire passer une idée de l’invraisemblable au danger, du danger au possible, du possible au probable et du probable au souhaitable. Ainsi pour un producteur de coton du sud des États-Unis en 1850, l’abolition de l’esclavage était dangereuse économiquement (comment continuer à produire le coton à un prix raisonnable sans esclaves ?) et socialement (libérer des esclaves soudain désœuvrés serait une menace pour les populations). Pourtant l’idée a heureusement fait son chemin et est devenue possible puis générale.
Pour autant le processus n’est pas nécessairement linéaire. Robert Badinter a rendu possible l’abolition de la peine de mort en France bien avant que ce soit acceptable pour l’opinion publique.
Peut-être que la connaissance de ce processus pourrait permettre de s’en affranchir pour brûler des étapes et faire bouger la société plus vite et sans son consentement. Manipulation ou progrès ? Ça dépend du sens d’ouverture de la fenêtre.
Jean-Christophe Latournerie
jean-christophe@rumeurpublique.fr
[1] Joseph P. Overton (1960-2003)1, ancien vice-président du Mackinac Center for Public Poli