Stratégies RSE, désillusion ou étape de la conduite du changement ?

17 octobre 2024

Stratégies RSE et préoccupations court terme s’opposent fortement, exigeant des dirigeants de garder le cap en faveur de la durabilité de l’environnement, condition sine qua non de celle de leur entreprise.

 

 

Si l’on en croit l’Institut français des administrateurs (IFA) et Ethics & Boards, la RSE (responsabilité sociale des entreprises) serait LA nouvelle priorité stratégique des conseils d’administration qui créent toujours plus de comités RSE, se préoccupent des compétences de leurs administrateurs en la matière et prennent de plus en plus d’engagements publics.

Mais il semble, d’après d’autres sources, que une fois traitée au niveau du conseil d’administration, la stratégie RSE des grandes entreprises fléchisse devant d’autres préoccupations. Bain & Company constate dans son enquête que l’enthousiasme de 2022/2023 a pris l’eau ces derniers mois. Certes le climat et la durabilité restent des questions de premier plan, mais l’intelligence artificielle (IA), l’inflation, l’instabilité géopolitique et la croissance ont suscité bien plus de réflexions et de projets.

 

La manière dont les entreprises s’emparent de la règlementation est symptomatique de cette dichotomie.

Selon une étude Capgemini pour 69% des cadres dirigeants, la réglementation RSE est un moteur de progrès. 84% affirment par exemple que leur entreprise atteindra cette année ses objectifs en matière d’émission de CO2e.

En 2019, la loi Pacte a introduit le statut d’entreprise à mission. En 3 ans, le nombre d’entreprises qui l’ont adopté a triplé y voyant un modèle d’avenir. L’exemple français de la réussite de la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux dans sa gouvernance est celui de la Camif. En questionnant sa raison d’être, l’entreprise en faillite en 2014 a aujourd’hui renoué avec les bénéfices.

En Italie, une étude menée par la banque Intensa Sanpaolo montre que les entreprises qui ont adopté le statut Societa Benefit (qui existe depuis 2016) ont enregistré entre 2019 et 2022 une croissance de chiffre d’affaires de 19% supérieure à leurs homologues traditionnels[1].

 

Le statut évoqué ci-dessus reste une incitation, un choix à la discrétion des entreprises. De plus en plus de réglementations RSE sont cependant bien contraignantes, au sens juridique : CSRD, Loi AGEC, devoir de vigilance… De nombreuses entreprises s’emparent de ces contraintes pour en faire une opportunité de levier de transformation business. Mais beaucoup les perçoivent comme contraignantes au sens figuré, à l’image de la CSRD avec ses 1200 datas points à récolter, la double matérialité d’impact & financière et la « gap analysis » à établir, avant de pouvoir définir un plan d’actions de réduction des impacts attendu dans la conformité.

Le récent rapport Draghi dénonce d’ailleurs « le fardeau administratif » que représente ces réglementations et la nouvelle commission européenne souhaite aller vers une simplification.

 

La prise de conscience a bien eu lieu, mais l’enthousiasme initial semble passé, les attentes démesurées n’étant pas facilement satisfaites. Bien sûr, les véritables transformations ne peuvent être rapides. Et en attendant que les stratégies RSE se structurent, les nouvelles préoccupations imposent un pragmatisme, certes court-termiste, voire dangereux mais vécu comme impératif et urgent.

Contrainte vs opportunité, court terme vs long terme… L’opposition des contraires n’est pas une nouveauté et les dirigeants ont de tout temps dû faire face à des injonctions contradictoires. Aujourd’hui, il s’agit d’une part d’œuvrer efficacement pour la durabilité de leur entreprise dans un environnement vivable, d’autre part de réagir aux incertitudes et nouvelles contraintes tout en saisissant les opportunités.

 

Si les stratégies RSE semblent en plein « creux de la désillusion », phase bien connue des experts des cycles de transformation, elles n’en seront que plus robustes lorsque le temps des premiers résultats viendra. Elles pourront alors revenir sur le devant de la scène.

D’ici là, les dirigeants ont une responsabilité majeure, celle de tenir le cap pour enfin récolter le fruit des décisions et arbitrages qu’ils auront fait pour y arriver.

N’est-ce pas là que réside l’art de diriger ?

 

 

Caroline Danton – Directrice Conseil RSE

caroline.danton@rumeurpublique.fr

 

 

[1] Source : Article Les Échos du 7/10/2024 « Entreprises à mission : ces PME qui sautent le pas ».